A STAR IS BORN
« Everyone has talent, but only some people have something to say »
Le film a fait forte impression lors de sa présentation à la Mostra de Venise en septembre 2018. D’abord derrière la caméra, on assistait à la naissance d’un réalisateur : Bradley Cooper. Ensuite, sur écran, on découvrait la naissance d’une actrice : Lady Gaga.
Pour son premier passage derrière la caméra, Bradley Cooper s’attaque à un mythe du cinéma américain : A Star is Born. Réalisé pour la première fois en 1937 par William A. Wellman, ce film a connu deux remakes précédant la dernière version de l’acteur de Very Bad Trip.
« Une chanson, c’est toujours les douze mêmes accords, en boucle » affirme Jackson Maine (Bradley Cooper). Est-ce une réflexion existentielle sur ce qu’est un remake, voire sur ce qui définit une œuvre créatrice ? Il est vrai que le scénario est celui d’une fiction universelle qui peut être raconté à toutes les époques. C’est l’histoire du coup de foudre entre deux stars, l’une en pleine ascension, l’autre en chute libre, et du constat tragique qu’elles vont faire ensemble : pour qu’une étoile brille, il faut que l’autre s’éteigne…
A STAR IS BORN : ÇA PARLE DE QUOI ?
Jackson Maine, star de country, voit sa carrière décliner. Perpétuellement en concert, il mène une vie solitaire qui ne le satisfait pas. Il boit de plus en plus. C'est dans un bar transformiste qu'il découvre Ally, une jeune chanteuse à la voix puissante. Il tombe sous le charme et encourage la jeune femme, qui ne se trouve ni jolie ni talentueuse, à interpréter ses propres chansons. Ally et Jackson entament alors une belle histoire d'amour, faite de passion et de créativité. Un soir, il l'invite à partager la scène. Ally se lance et séduit le public. Commence alors pour elle une belle carrière. Jackson, en plein déclin, la voit s'éloigner...
UNE CRITIQUE DU SHOW-BIZ AMÉRICAIN
Il serait naïf d’appréhender ce dernier opus comme un simple remake; A star is born de Bradley Cooper est une œuvre à part entière qui se distingue par sa qualité. Sa qualité filmique avant tout. Les plans très serrés qui accompagnent les personnages permettent au spectateur de plonger dans l’intimité de ces « stars», d’habitude si lointaines, si inaccessibles. Les plans rapprochés soulignent avec intensité leurs regards, mais aussi leurs imperfections, les rendant ainsi davantage humaines.
La fragilité humaine est justement au centre du récit. Jackson Maine (interprété par Bradley Cooper) est un chanteur rock-country rongé par l’alcool et la drogue. Même lorsqu’il rencontre sa Lady, la jeune et talentueuse Ally (merveilleusement interprétée par Lady Gaga), ses démons ne l’abandonnent pas.
A Star Is Born nous donne accès au backstage, nous montre la face obscure de l’industrie musicale et en critique la superficialité et l’hypocrisie.
Nos personnages ont l’allure d’enfants débordant de rêves et d’ambitions artistiques, mais qui sont contraints à devenir des marques, des hommes et des femmes sandwichs chantant des tubes pré-formatés pour un public type, avec des chorégraphies tendancieuses sur des plateaux télé artificiels. A Star is born démontre de manière étonnante que pour devenir une star, il faut perdre beaucoup son identité.
Ce film, à bien des aspects, est une critique assumée de la grande machine marketing qui transforme un don en un produit vendeur.
DES ACTEURS ET UNE RÉALISATION PRODIGIEUSE
Grâce à des personnages magnifiquement caractérisés, Bradley Cooper peut se vanter d’avoir réussi son pari haut la main. Il s’offre, de plus, un rôle éblouissant où son charisme est phénoménal. Perclus de fêlures, d’amour à donner et à recevoir, il incarne avec brio une âme brisée qui raccroche ses dernières forces à la lumière que cette jeune femme irradie. Et pour irradier, elle irradie. Lady Gaga est une fracassante révélation. On connaissait la superstar, femme de scène aux tenues extravagantes et aux maquillages criards, mais là, dans un dénuement total, elle est prodigieuse. Belle, sensuelle, amoureuse, elle aimante la caméra et nous subjugue en une fraction de seconde. Quant à Cooper, il n’a pas besoin d’en dire beaucoup pour que nous captions toute la douleur et la solitude enfouies au cœur de Jackson Maine, et cela malgré sa rencontre avec Ally, sa muse qui tentera de mettre des mots sur ses maux.
Autour d’eux, notons la présence de Sam Elliott (grand frère de Jack Maine) qui derrière une apparente rectitude est bouleversant d’humanité.
La photographie sur ce film est travaillée au millimètre et nous offre des scènes somptueuses.
Bradley Cooper fut bien inspiré de choisir comme directeur de la photographie le fantastique Matthew Libatique ( Black Swan et Mother), dont les lumières tamisées et l'usage du travelling enrichissent la forme aussi bien que le fond. L'artiste marie ces ombres rouges avec des teintes de vert et de bleu qui rythment l'intrigue telles un pouls hypnotique. Un parfait arrière-plan pour ce qui demeure l’un des trésors du film : sa musique, composée par Lady Gaga et le rockeur Lukas Nelson. Cette bande-son vibrante et percutante apporte sa dernière touche au charisme du couple phare. Les chansons du film sont déjà tous des tubes en puissance qui vous donnent la chair de poule tant la voix cristalline et somptueuse de Lady Gaga et celle chaude et forte de Bradley Cooper s’entremêlent avec délice.
« Aren’t you tired tryin' to fill that void?"**, chante Ally dans le duo phare de la bande-son. Une question emblématique de la place de ce film dans le paysage hollywoodien actuel, où les studios de production ignorent la plupart des projets qui comprennent ni super-héros ni humour facile. Voilà ce qui manque trop souvent dans le cinéma d’aujourd’hui : des œuvres aussi éclatantes que subtiles, mariant personnages complexes et sens du spectacle assumé. Oui, A Star Is Born vient combler un vide, et y réussit amplement.
Apportez vos mouchoirs.
** trad. « N'en as-tu pas assez d'essayer de combler ce vide ? »
Bravo
RépondreSupprimerHello Dina, tout d'abord merci pour ce travail remarquable :).
RépondreSupprimerLe 1er point avec lequel je ne suis pas d'accord avec toi, c'est que ce n'est pas l'histoire d'un coup de foudre entre deux stars, c'est l'histoire du coup de foudre d'une star et d'une inconnue, la star décidant de mettre en avant cette inconnue.
En ce qui concerne la fragilité humaine, je ne pense pas que le problème soulevé par le film soit l'alcool ou la drogue. Je pense que le film à voulu soulever les problèmes d'égo et les problèmes d'identité que peut rencontrer une jeune star face à un producteur lui vendant du rêve. Justement dans ce film, Jackson Maine cesse de boire et est au top de son art lorsque il est bien avec Ally ( soulever que l'amour aura vaincu une addiction très forte ). Une fois prise en main par le producteur, elle oublie un peu Jackson, oublie aussi que c'est grâce à lui qu'elle est la, et oublie surtout ce qu'elle a envie de dire à la base. Jackson heurté par ce travestissement se remet à boire, et malheureusement, se retrouve seul car Ally qui à la base ne voulait que chanter veut désormais être une star et ne se rend ni compte de ce qu'elle fait, ni que son mari va mal car elle a la tête dans le guidon. Ce que cette partie du film soulève chez moi c'est que la folie des grandeurs, oui, devenir une star, oui, mais à quel prix, et pourquoi ? Pourquoi est on là ? Qu'est ce qu'on a à dire ? Se poser toutes ces questions et ne pas foncer naïvement tête baissée lorsque quelqu'un de purement intéressé s'occupe de nous, ne jamais oublier d'où l'on vient et comment on en est arrivé la permettront de garder le recul nécessaire pour préserver son intégrité morale. La société est telle qu'elle est et les systèmes ne changeront pas, le changement ne peut venir que de l'humain, et je pense qu'il est plus interessant de traiter les messages humains que les messages sociétaux.
D'ailleurs on en revient à l'humain à la fin du film car une fois que la situation devient dramatique, Ally se souvient qu'elle aime Jackson et que ce qu'elle fait est largement suffisant pour qu'elle soit heureuse, pas besoin d'être une star. Malheureusement il est trop tard.
Je trouve tellement dommage le fait de se focaliser sur la société, le show biz, les industries, les systèmes, etc, et de passer à coté de l'humain.
Je suis entièrement d'accord quand tu dis que ce film comble un vide dans le cinéma d'aujourd'hui.